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Expliquez-nous La douleur 
 
Pas de guérison, mais une adaptation 
 
 
Expliquez-nous
La douleur


Expliquez-nous
   La douleur

Avec le professeur Jean-Marie Besson, président de l'Association internationale pour l'étude de la douleur, directeur de l'Unité de recherche de physiopharmacologie du système nerveux à l'INSERM.

Interview
Carole Chatelain

LONGTEMPS relégué à l'arrière-plan, la lutte contre la douleur conquiert peu à peu sa place dans la recherche et la médecine. Les progrès de l'imagerie médicale et la découverte des endomorphines - ces substances calmantes générées par l'organisme -, puis des voies cérébrales de transmission de la douleur dans les années 1990 ont permis de mieux comprendre les mécanismes. Mais aucun traitement totalement dépourvu d'effets secondaires n'a encore été découvert. De plus, la France accuse un retard considérable. Trop de médecins considèrent toujours la douleur comme inéluctable. Résultat: la morphine, pourtant très efficace, est encore très largement sous-utilisée. Une situation inadmissible selon le professeur Jean-Marie Besson, pour qui vaincre la douleur passe d'abord par une lutte sans merci pour changer les mentalités.

- Sait-on exactement ce qu'est la douleur?
- C'est très difficile à définir. Selon l'Association internationale pour l'étude de la douleur, il s'agit d'une "expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associé à une lésion tissulaire présente ou potentielle ou décrite en ces termes". C'est plutôt obscur pour le non-spécialiste. Ce qui est sûr, c'est que souffrir est une expérience insupportable contre laquelle l'Homme essaye de lutter depuis la nuit des temps: champignons hallucinogènes, sucs de pavot, hellébore tout a été essayé dans toutes les civilisations. Il a fallu attendre le XIXe siècle, avec la découverte de l'anesthésie (vers 1850), de la morphine (vers 1860) et de l'aspirine (1899), puis le XXe siècle avec la découverte des endomorphines, ces substances antalgiques - c'est-à-dire calmantes - générées par l'organisme, pour que nous fassions des progrès décisifs.

- Existe-t-il plusieurs types de douleurs?
- Oui. Les douleurs aiguës et les douleurs chroniques. Les premières surviennent après une stimulation agressive, comme une coupure par exemple. Elles sont de courte durée. Les secondes peuvent durer des années: c'est le cas de certaines migraines, de certaines infections neurologiques ou de certaines douleurs neurogènes, c'est-à-dire survenant après une lésion du système nerveux. Il existe aussi des douleurs d'origine psychologique. Ces distinctions sont importantes car si nous arrivons à traiter de façon satisfaisante les douleurs aiguës, grâce aux antalgiques, n
ous sommes beaucoup plus désarmés devant les douleurs chroniques ou psychologiques qui sont souvent très invalidantes et nécessitent des traitements longs et complexes. C'est pourquoi il ne faut jamais laisser évoluer une douleur vers la chronicité: en cas de mal de dos, par exemple, il faut immédiatement consulter un médecin.

- A quoi sert la douleur?
- C'est un signal d'alarme. Elle prévient l'organisme d'un danger. Mais l'intensité n'a aucun rapport avec la gravité. Certaines personnes souffrent à cause d'un petit nerf sectionné et d'autres, pourtant victimes de graves traumatismes, lors d'un accident par exemple, ne ressentent pas grand chose. Nous ne connaissons pas encore vraiment les raisons de ces différences: le stress joue sans doute un rôle analgésique, c'est-à-dire calmant. En fait, on peut dire que la douleur a un côté utile à certaines étapes d'un processus pathologique. Ceux qui en sont privés, comme les malades atteints d'insensibilité congénitale, risquent d'ailleurs leur vie tous les jours car ils peuvent se blesser ou se brûler sans s'en rendre compte. Mais il ne faut pas pour autant l'accepter comme une fatalité! Car la douleur chronique est une véritable maladie avec des répercussions considérables sur le patient, son entourage et la société.

"Il ne faut jamais laisser évoluer
une douleur vers la chronicité:
en cas de mal de dos par exemple,
il faut immédiatement consulter un médecin"

- Quel est le mécanisme de la douleur?
- C'est un peu comme un standard téléphonique. Notre peau, nos muscles, nos articulations et nos viscères sont parcourus de petites fibres nerveuses. Certaines de ces fibres sont stimulées uniquement par les sensations légères, celles du toucher ou de l'effleurement. d'autres répondent aux stimulations thermiques, mécaniques ou chimiques "nociceptives", c'est-à-dire agressives, comme une piqûre de guêpe ou une inflammation interne. Ces fibres font à peine 1 dixième de millimètre de diamètre et elles envoient dans l'organisme, à la vitesse de 2 mètres par secondes, des messages codés. Ces messages vont aller exciter les neurones de la moelle épinière, ce qui déclenche les premières réactions réflexes: retirer la main du feu par exemple. Puis le message douloureux continue sa route jusqu'au cerveau. Ce dernier va localiser la douleur, en analyser l'intensité et déclencher des réactions émotionnelles: vous allez ressentir une vive douleur à la main et crier.
Ce circuit reste très complexe: les nouvelles techniques d'imagerie médicale, comme l'IRM (imagerie par résonance magnétique), nous ont permis de savoir qu'il n'existe pas un "centre de la douleur" dans le cerveau mais de multiples zones. La douleur fait, en effet, intervenir des centres aussi importants que celui de l'émotion ou de la mémoire. Le système est d'autant plus complexe que le transfert du message douloureux jusqu'au cerveau est "freiné" par des processus de modulation qui en atténuent l'intensité. Il faut que nous approfondissions nos recherches dans cette voie car elle démontre que la douleur n'est pas inéluctable.

- Peut-on évaluer l'intensité d'une douleur?
- Elle n'est jamais vécue de la même façon chez deux personnes, voire chez la même personne à deux moments différents. C'est le reflet d'une expérience individuelle chargée d'une histoire et d'une culture. Nous disposons de moyens plus ou moins codifiés: des échelles graduées ou des questionnaires. Cela fonctionne bien. Dans le domaine de la recherche, nous ne sommes pas encore parvenus à trouver une corrélation entre l'intensité de la douleur et la quantité de substances spécifiques libérées dans l'organisme lors d'un épisode douloureux: il n'existe donc pas à priori de "marqueur" biologique de la douleur.

- Avez-vous dressé une échelle des douleurs les plus intenses?
- Il n'existe pas de "Top 50" de la douleur. Nous savons que les douleurs cancéreuses, celles dues à des coliques néphrétiques ou à des névralgie faciales sont parmi les plus intenses. Nous savons surtout que les douleurs chroniques sont les plus insupportables car elles entraînent souvent des dépressions.
- On a longtemps cru que les nouveaux-nés avaient un système nerveux immature qui les empêchait de souffrir. Qu'en est-il aujourd'hui?
- C'est au nom de telles croyances que l'on a réalisé des interventions chirurgicales sans anesthésie sur des nouveaux-nés. Des rapports ont montré que, aujourd'hui encore, un très faible pourcentage des enfants est correctement soulagé. Or nous savons que le système nerveux est pratiquement achevé à la naissance. Il est grand temps que les mentalités évoluent! Quant au foetus, le système nerveux est immature jusqu'à 3 mois.

"Il est urgent que les médecins
prennent conscience que ne pas souffrir
est un droit fondamental du malade"

- De quel traitement dispose-t-on pour combattre la douleur?
- Le plus souvent de traitements pharmacologiques. Mais il est vrai que nous manquons de moyens, essentiellement pour traiter les douleurs chroniques. Les médecins disposent d'anti-inflammatoires classiques dont la tête de file est l'aspirine, de paracétamol, de certains antiépileptiques ou antidépresseurs. Le problème essentiel reste celui des effets secondaires, notamment pour les anti-inflammatoires. A forte dose, ils attaquent la muqueuse gastrique.

- L'utilisation de la morphine présente-t-elle des risques?
- C'est la grande peur des médecins français! A l'heure actuelle, on prescrit dix fois moins de morphine en France qu'au Danemark, en Suède ou en Angleterre. Trop peu d'établissements sont équipés de pompes à morphine qui permettent aux malades de s'administrer eux-mêmes des doses en fonction de leur douleur post-opératoire. De même, alors qu'il est possible de juguler des douleurs d'origine cancéreuse par administration de morphine par voie orale dans près de 90% des cas, trop peu de malades en bénéficient. C'est inadmissible! Des progrès sont en cours. Mais trop de médecins sont encore mal informés: les phénomènes d'accoutumance et de dépendance ont été surestimés. Des études américaines ont pourtant démontré que sur 10.000 patients traités à la morphine, seuls 3 d'entre eux étaient devenus dépendants, dont 2 étaient toxicomanes auparavant. Il est donc urgent que les médecins prennent conscience que ne pas souffrir est un droit fondamental du malade.

- Que préconisez-vous pour que la situation change?
- La situation est telle qu'il faudrait nommer une commission d'enquête chargée de dresser un état des lieux région par région et faire en sorte que tous les établissements appliquent les mêmes traitements.

- Pourtant la France a progressé dans la prise en charge de la douleur avec la mise en place  de quelques 280 centres anti-douleurs dans les hôpitaux?
- Ces centres ont l'immense mérite de prendre en charge les malades souffrant de douleurs chroniques grâce à une approche pluridisciplinaire et ils permettent souvent une réinsertion sociale de ces patients. Mais la plupart marche avec des bouts de ficelle! Il faut passer aux actes pour leur assurer un fonctionnement performant sous peine de décrédibiliser la lutte contre la douleur.

- Quels progrès peut-on attendre dans le traitement de la douleur?
- Une vingtaine de voies de recherche très prometteuses sont en cours. Nous fondons de grands espoirs sur la mise sur le marché d'antalgiques sans effets secondaires qui devraient faire leur apparition dans quelques années. Il ne faut pas s'attendre à la découverte d'une "molécule miraculeuse" qui agirait sur toutes les formes de douleurs. La solution viendra d'avantage de "cocktails" de molécules agissant à la fois sur le système nerveux central et le système périphérique. C'est aujourd'hui la voie la plus porteuse d'espoir.

 

Extrait des pages du Républicain Lorrain,
édition Luxembourg,
 12 avril 1998.
 HAUT DE PAGE

Pas de guérison, mais une adaptation
 
Fibromyalgie:
Pas de guérison, mais une adaptation

Une étude prospective à long terme d'une cohorte de patients fibromyalgiques confirme la persistance des symptômes dans le temps et souligne la capacité d'adaptation des patients à leurs douleurs, sous réserve qu'ils soient pris au sérieux et bien informés.

L'ÉVOLUTION à long terme de la fibromyalgie, tout comme les répercussions de la maladie sur la qualité de vie, sont mal connues. Une étude prospective réalisée sur une cohorte de 51 patients apporte un éclairage nouveau dans le domaine, explique le Pr T.-L. Vischer. "En 1990-1991; 72 patients avaient été inclus dans une étude évaluant l'efficacité d'un traitement par électro-acupuncture. Le questionnaire qui leur avait alors été remis a, depuis, été validé, et il nous a paru intéressant de voir l'évolution des réponses à ce même questionnaire sept ans après.
Sur 72 patients initiaux, 51 ont pu être recontactés, dont 45 ont renvoyé le questionnaire dûment rempli."

Ce questionnaire comprend une évaluation de la douleur par le Regional Pain Score (RPS) et une évaluation globale de la qualité de vie par une version française du PGWB (Psychological General Well-Being), qui porte sur l'anxiété, la dépression, le bien-être, le contrôle, la santé générale et la vitalité.

Une évolution chronique
Le premier résultat important de l'étude est la confirmation de l'évolution chronique de la fibromyalgie, déjà soulignée par deux études antérieures, l'une anglaise réalisée en 1993 et l'autre, américaine, en 1997. Les symptômes ne disparaissent pas, la douleur tendant d'ailleurs à  s'aggraver au fil du temps, et le diagnostic n'est pas modifié au cours du temps. "De ce fait, en l'absence de nouveaux symptômes, il apparaît inutile de répéter les examens complémentaires chez les patients ayant un diagnostic initial de fibromyalgie", souligne le Pr Vischer.
Le deuxième enseignement majeur de ce travail est que, malgré une possible augmentation des douleurs et une persistance des symptômes dans le temps, la qualité de vie des patients souffrant de fibromyalgie ne se détériore pas, mais à plutôt tendance à s'améliorer. Il semble donc qu'il y ait une adaptation des patients à leurs symptômes.

Des stratégies de contrôle
Le développement de ces stratégies de contrôle semble être facilité par la reconnaissance de la maladie par l'équipe soignante et par la qualité de la relation qui s'instaure alors avec le sujet.
Les patients ayant une détérioration de leur qualité de vie avec le temps sont souvent ceux qui ne se sentent pas pris au sérieux par leur médecin.
"Prendre les patients au sérieux, bien leur expliquer la maladie dont ils souffrent paraît être une étape importante du traitement. Nous commençons dans ce contexte une nouvelle étude, afin d'analyser l'impact d'une prise en charge multidisciplinaire de groupe - balnéothérapie, relaxation, discussions, explications - sur l'évolution à long terme de la maladie", conclut le Pr Vischer.

Dr Isabelle Hoppenot
D'après un entretien avec le Pr T.-L. Vischer, hôpital cantonal, Genève.
LE QUOTIDIEN DU MEDECIN
N°6384 - LUNDI 23 NOVEMBRE 1999

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