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François Dart 
 
Dr Dumolard et Pr Juvin 
 
Dr Boisset
 
Dr Heili

Pr Lévy (Fragmentation du sommeil)

Pr Bonaz  (Troubles digestifs et fibromyalgie)

 
François Dart:
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La fibromyalgie

1. Introduction
La fibromyalgie demeure une entité nosologique controversée en dépit de sa reconnaissance par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui lui a attribué le numéro M79.0 au sein de la dixième révision de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-10)1. Parce que la profession médicale hésite à considérer la fibromyalgie comme une entité nosologique, le syndrome a reçu peu d'attention dans les écrits de même qu'en ce qui a trait à la formation médicale. 
Ces lignes directrices ont pour objectif de rappeler aux médecins certaines normes de base en matière d'évaluation, de traitement et de suivi des patients. Elles visent avant tout la qualité des soins offerts par les médecins aux personnes atteintes de fibromyalgie. Même si le syndrome de fatigue chronique partage plusieurs manifestations cliniques avec la fibromyalgie, et que l'approche diagnostique et thérapeutique en soit souvent similaire, le présent document ne porte que sur la fibromyalgie.

2. Définition
Compte tenu du fait que cette classification se base essentiellement sur la présence de symptômes subjectifs, on comprendra que l'approche diagnostique et thérapeutique repose sur les habiletés cliniques du médecin. 
Tableau 1 - L'American College of Rhumatology (ACR) a adopté, en 1990, les critères de classification de la fibromyalgie que l'on retrouve dans le Tableau 1.

 

Critères de classification de la fibromyalgie en 1990 Tableau 1
Douleurs diffuses
* Région axiale, segments supérieur et inférieur, ainsi que côtés droit et gauche du corps 
* Depuis au moins trois mois

Douleur à la palpation d'au moins 11 points douloureux
sur 18 dont les 9 sites bilatéraux suivants :
* Région sous-occipitale 
* Région antérieure du cou en regard des apophyses transverses de C5 à C7 
* Trapèzes 
* Origine des sus-épineux 
* Régions chondrocostales des deuxièmes côtes 
* Région située à deux centimètres de distance des épicondyles externes 
* Quadrants supéro-externes des fesses 
* Grands trochanters 
* Coussinets adipeux à la face interne des genoux

3. Problèmes somatiques associés
Compte tenu du fait que cette classification de base essentiellement sur la présence de symptômes subjectifs, on comprendra que l'approche diagnostique et thérapeutique repose sur les habiletés cliniques du médecin. 
Les écrits soulèvent plusieurs hypothèses étiologiques, mais jusqu'à ce jour, aucune d'entre elles n'a pu être démontrée de façon concluante. 
Bien que les critères officiellement reconnus ne mettent l'accent que sur la présence de douleur chronique, il importe de noter que les patients atteints de fibromyalgie présentent généralement une kyrielle de symptômes somatiques qui complexifient l'approche diagnostique. Cependant, un clinicien averti de la possibilité d'un tableau multisymptomatique pourra plus facilement poser le diagnostic et éviter de s'alarmer inutilement.
Les symptômes subjectifs rapportés le plus fréquemment sont présentés au Tableau 2. 

 

Plaintes somatiques associées Tableau 2
Système cardiovasculaire
* Palpitations 
* Phénomène de Raynaud 
Système respiratoire
* Allergies 
* Dyspnée 
* Toux 
Système digestif
* Bouche sèche
* Dysphagie (par exemple, «boule» dans la gorge, difficulté à avaler, mal de gorge) 
* Dyspepsie 
* Intestin irritable (diarrhée ou constipation) 
Système génito-urinaire
* Cycles menstruels irréguliers 
* Dysménorrhée 
* Vessie irritable (urgence mictionnelle) 
Système endocrinien
* Fatigue généralisée 
* Hyperhidrose localisée ou diffuse 

* Hypoglycémie 
* Peau sèche 
* Perte des cheveux
Système musculo-squelettique
* Costochondrite 
* Dysfonction temporo-mandibulaire 
* Spasmes musculaires (incluant myoclonies nocturnes) 
Système nerveux
* Céphalées chroniques, migraines 
* Dysesthésies diffuses (par exemple, sensation de brûlure, chaleur, engourdissements, frissonnements, picotements, sensation subjective de gonflement) 
* Hypersensibilité aux bruits, aux odeurs et à l'air climatisé 
* Insomnie 
* Tendance à échapper les objets 
* Acouphènes 
* Vision double 
* Troubles de l'équilibre et étourdissements 
* Yeux secs ou larmoiements excessifs

Généralement, le patient atteint de fibromyalgie développe ces symptômes graduellement, c'est-à-dire qu'à chacune des visites, de nouveaux symptômes viennent souvent se greffer au tableau clinique présenté antérieurement. 

4. Problèmes psychologiques associés
Près des deux tiers des personnes souffrant de fibromyalgie présentent aussi des troubles psychologiques associés. Différents groupes de chercheurs ont tenté de déterminer un profil psychologique des patients atteints de fibromyalgie. Quoiqu'ils n'aient pu mettre en évidence de profil spécifique, on retient qu'environ 36% des patients souffrant de fibromyalgie ont un profil psychologique qui correspond à la normalité, que 33% d'entre eux présentent un profil psychologique semblable à celui retrouvé chez les patients qui souffrent de douleur chronique et que 31% ont des problèmes psychologiques sérieux Une attention toute particulière doit être portée au dépistage des troubles dépressifs et des troubles anxieux qui peuvent coexister avec le tableau de la fibromyalgie; ils sont souvent cachés par les somatisations multiples et, du même coup, sous-diagnostiqués. 
Il faut également prendre en considération que l'on retrouve une comorbidité avec les troubles psychosomatiques, les dépendances médicamenteuses et les troubles de personnalité qui amplifient les difficultés thérapeutiques et rendent le pronostic moins favorable. Dans tous les cas, on suggère une évaluation psychosociale pour diagnostiquer ou éliminer ces conditions. 
Les plaintes subjectives d'ordre psychologique ou émotionnel rapportées le plus fréquemment par les personnes atteintes de fibromyalgie sont présentées au Tableau 3.

 

Plaintes psychologiques associées Tableau 3
Sphère affective
* Anxiété 
* Détresse émotionnelle 
* Irritabilité 
* Panique 
* Sautes d'humeur
Sphère cognitive
* Difficulté à nommer des objets 
* Difficulté à se concentrer 
* Trouble de mémoire
Extrait des pages:
Index général Analyses médicales et biologiques, février 2001.


Adresse internet: http://perso.wanadoo.fr/francois.dart 
 
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Dr Dumolard et Pr Juvin:
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La fibromyalgie

A.Dumolard; R. Juvin.
Service de Rhumatologie, CHU de Grenoble, BP 217, 38043 GRENOBLE cedex 09.

Avec des critères diagnostiques peu spécifiques, l'absence de signes objectifs cliniques ou para cliniques et une physiopathologie qui reste obscure en dépit de pistes très intéressantes, la réalité même de la fibromyalgie (FM) reste controversée.

Il s'agit d'un syndrome très fréquent mais encore mal connu par la communauté médicale et scientifique, et plus particulièrement en France, avec absence d'enseignement spécifique jusqu'à une époque récente.
Paradoxalement, c'est un peu sous la pression des malades, regroupés en associations puissantes apportant de nombreuses informations (par Internet!), que le scepticisme médical évolue.

Nous faisons le point clinique, physiopathologique et thérapeutique sur cette maladie chronique et bénigne mais qui peut devenir invalidante.

HISTORIQUE

La FM est reconnue par l'Organisation Mondiale de la Santé depuis 1992 et possède ses associations de malades en France depuis 1995, et une fédération Nationale depuis 1998.
C'est à partir des années 1970, avec la mise en évidence d'anomalies à l'électroencéphalogramme, que les scientifiques se sont véritablement intéressés à la FM. En 1976, le terme de FM est adopté mais ne fait pas l'unanimité du fait que sa référence explicite au muscle et pourra se voir préférer celui de syndrome polyalgique idiopathique diffus (1).
En 1990, les critères de diagnostic ont été établis par l'American College of Rhumatology (2), essentiellement à des fins épidémiologiques. La FM est reconnue par l'Organisation Mondiale de la Santé depuis 1993 et possède son association en France depuis 1995 (Association Française de Fibromyalgie: AFF).

DEFINITION

La FM est un syndrome caractérisé par:
- des douleurs diffuses, durables (plus de 3 mois) et non expliquées par une autre étiologie de polyalgies;
- associées très fréquemment à des troubles du sommeil, une fatigue générale et une fatigabilité musculaire;
- et par des manifestations fonctionnelles variées;
- avec un examen clinique normal, en dehors de points douloureux à la palpation.

EPIDEMIOLOGIE

Il s'agit d'une affection fréquente, avec une prévalence de 2% dans la population générale, 3,4% chez les femmes, 0,5% chez les hommes (3). Il s'agit de femmes dans 70 à 90% des cas.
Elle concerne 2 à 5%des consultations de médecine générale. 10 à 25% des consultations de rhumatologie, ce qui la place au deuxième rang après l'arthrose.
La prévalence augmente avec l'âge (3), étant maximale dans la tranche 60-79 ans où elle atteint 7%. On a longtemps estimé que la FM concernait essentiellement la femme d'âge moyen, avec des diagnostics d'arthrose portés trop facilement devant des tableaux polyalgiques de la femme plus âgée.

CRITERES DE L'AMERICAN COLLEGE OF RHUMATOLOGY (ACR) DE 1990

Les critères ACR (Tableau I) permettent de porter un diagnostic de FM avec une spécifité de 88% et une sensibilité de 81%.
Ces critères sont en fait été définis plus à visée épidémiologique que clinique et peuvent faire l'objet de critiques: ils sont subjectifs et ne comportent pas de critères d'exclusion, ils ne font pas référence aux autres signes fonctionnels. D'autre part, la FM correspond à une diminution généralisée du seuil de la douleur et non pas limitée aux seuls points définis par l'ACR. Ces points peuvent être plus ou moins sensibles chez des sujets normaux.
Enfin, certains auteurs considèrent qu'un diagnostic de FM est possible avec moins de 11 points positifs à l'examen.

 

Tableau I: Critères de l'American College of Rhumatology de 1990
* Histoire de douleur diffuse: douleur du côté droit et du côté gauche du corps, en dessous et au-dessus de la taille et douleur du squelette axial (rachis, paroi thoracique antérieure)
* Douleurs chroniques évoluant depuis plus de 3 mois
* Douleur à la palpation digitale de 11 des 18 points suivant:
 - sous-occipitaux
 - rachis cervical inférieur (espaces intertransversaires C5-C7)
 - bord supérieur du trapèze
 - jonction chondrocostale des deuxièmes côtes
 - insertion du sus épineux au niveau du bord interne de l'épine de l'omoplate
 - épicondyle
 - grand trochanter
 - quadrant supéro-externe de la fesse
 - en dessous de l'interligne interne du genou (patte d'oie)

                                                                

CARACTERISTIQUES DE LA DOULEUR

Le patient la perçoit comme musculaire, tendineuse ou articulaire. Il peut s'agir de contractures, de tensions musculaires, de brûlures, de paresthésies.
La douleur n'est pas toujours décrite d'emblée comme diffuse par le patient, qui peut avoir une plainte initiale axée plus particulièrement sur une articulation ou une région. Il existe souvent une prédominance rhizomélique (cervicoscapulaire, lombofessière). Très fréquemment, les patients décrivent des phénomènes de paresthésies et de gonflement subjectifs des mains et des pieds.
La douleur fluctue en intensité et en localisation. Elle est majorée par certains facteurs: les conditions climatiques (froid, humidité, variations climatiques), les efforts physiques excessifs, les gestes répétitifs, l'inactivité et en particulier le maintien prolongé d'une position et enfin les facteurs de stress.

SIGNES ASSOCIES QUASI CONSTANTS

Quatre symptômes sont fréquemment associés au syndrome douloureux (Tableau II).
Il existe le plus souvent une raideur matinale, qui peut être assez prolongée, pouvant évoquer un rhumatisme inflammatoire.
Les troubles du sommeil sont fréquents, avec difficultés d'endormissement, réveils nocturnes et l'impression d'un sommeil non réparateur. Nous reviendrons plus loin sur leur rôle dans la physiopathologie de la FM.
La fatigue générale est un des symptômes majeurs, souvent aussi invalidante que les phénomènes douloureux. Elle prédomine au réveil pour s'améliorer dans la journée et réapparaître le soir. Plus la maladie est installée, plus la fatigue est marquée, amenant parfois à un véritable épuisement. Comme la douleur, elle est majorée par les facteurs climatiques, physiques et le stress.
Elle s'associe en général à une fatigabilité musculaire, qui apparaît pour des efforts minimes, le maintien d'une attitude, surtout au niveau de la ceinture scapulaire (position bras levés). Chez les patients fibromyalgiques, l'indice de condition physique est proche de celui des sujets témoins. Une étude récente n'a pas montré de différences de caractéristiques de force musculaire, dynamique et isométrique par rapport au groupe contrôle (4). Par contre, pour une même charge de travail, ces patients surestiment de façon significative leur niveau de perception d'effort (5).

Tableau II: Signes associés majeurs
* Raideur matinale
* Troubles du sommeil
* Fatigue générale
* Fatigabilité musculaire

AUTRES SIGNES ASSOCIES

La FM peut s'accompagner d'un cortège de signes fonctionnels (Tableau III), variables d'un patient à l'autre, qui peuvent amener le patient à consulter des praticiens dans plusieurs disciplines: gastro-entérologie, neurologie, gynécologie, ORL, cardiologie, etc.
Les paresthésies des extrémités, sans systématisation neurologique précise, peuvent faire égarer le diagnostic vers des névralgies cervicobrachiales ou des syndromes canalaires rebelles, en particulier un syndrome du défilé avec une symptomatologie identique de fatigabilité lors des efforts des bras levés. Elles sont souvent associées à une sensation subjective de gonflement des extrémités.
Les patients présentent fréquemment une colopathie fonctionnelle (50 à 80% des cas), des céphalées de tension ou des migraines, qui ont la particularité d'être particulièrement résistantes au traitement, et des antécédents anxio-dépressifs.
L'existence d'un syndrome sec ou d'un syndrome de Raynaud (15 à 30% des patients), dans ce contexte de polyalgies avec raideur matinale, asthénie, sensation de gonflement articulaire, peut orienter vers des maladies de système qui devront, quoi qu'il en soit, être recherchées dans le diagnostic différentiel.

Tableau III: Autres signes associés.
* Paresthésies des extrémités
* Sensation subjective de gonflement des extrémités
* Colopathie fonctionnelle
* Céphalées de tension ou migraines
* Troubles anxio-dépressifs ou antécédents dépressifs
* Troubles uro-gynécologiques
 (mictions impérieuses, dysménorrhée, dyspareunie)
* Syndrome sec
* Syndrome de Raynaud
* Troubles auditifs, visuels, vestibulaires, cognitifs (difficultés de mémoire et de concentration)
* Douleurs régionales atypiques
 (thoraciques, pelviennes)
* Palpitations, prurit chronique, impatiences et crampes dans les membres inférieurs
* Dysfonction de l'articulation temporo-mandibulaire

EXAMEN CLINIQUE

L'examen clinique est normal en dehors des points douloureux précédemment décrits. Ces points doivent être douloureux, et non pas simplement sensibles, entraînant une grimace ou un mouvement de retrait de la part du patient. Il faut tester les points normalement indolores à la pression: milieu du front, face postérieure de l'avant-bras, à la jonction tiers moyen-tiers inférieur.
Ces points sont reproductibles chez un même patient, identiques en intensité et en localisation d'une consultation à l'autre. Il n'existe pas de parallélisme entre le nombre de points douloureux et l'intensité de la douleur, et la diminution de la sensibilité des points.

Au total, la FM est un syndrome qui associe:
Dans tous les cas, une histoire de douleurs chroniques et diffuses avec l'existence de points douloureux précis à l'examen clinique. Ce sont les critères ACR.
Dans 75 à 100% des cas, une symptomatologie associant fatigue générale, fatigabilité musculaire, raideur matinale et troubles du sommeil.
Dans 30 à 50% des cas, des signes fonctionnels variés.

INVALIDITE

Plusieurs études ont montré que les patients ressentent la FM comme une affection plus sévère que d'autres maladies chroniques. Le retentissement émotionnel et psychologique est également plus marqué. Si l'on compare en particulier avec la polyarthrite rhumatoïde, le niveau de douleur est égal (6,7) mais la qualité de vie est jugée moins bonne dans la population des fibromyalgiques par rapport aux polyarthrites rhumatoïdes (8).
Ces patients semblent avoir une bonne qualité d'insertion sociale. En France, le taux d'arrêt de travail est évalué à 15%, le
taux d'invalidité à 8%, avec une consommation médicale multipliée par 2 à 3 fois celle d'une population témoin.
Le problème est très différent aux Etats-Unis où les problèmes d'indemnisation des FM ont pris une ampleur considérable avec en particulier les FM post-traumatiques, 25% des patients recevant une indemnisation (9,10).

FORME CLINIQUES

FM concomitantes

La FM peut coexister avec des maladies de système, essentiellement la polyarthrite rhumatoïde, le lupus et le syndrome de Gougerot. Des auteurs ont trouvé 16,7% de FM  dans une population de 60 lupus (11), 9,2% de FM dans une population de 108 Behcet (12). la FM est associée dans 30% des cas aux maladies inflammatoires digestives (13), particulièrement à la maladie de Crohn (49% de FM associée). La FM évolue indépendamment de ces affections et il peut persister des douleurs liées à une FM dans une polyarthrite rhumatoïde par ailleurs en rémission. Il faut donc parfois être vigilant avant de conclure à l'inefficacité d'un traitement de fond.

FM probables

Plusieurs auteurs considèrent comme probable le diagnostic de FM dès la présence de six points douloureux à l'examen, dès lors que la symptomatologie fonctionnelle associée est évocatrice.

FM régionale

Des auteurs ont étudié l'évolution à six ans de syndromes douloureux régionaux du bras, qui constituent une part importante des consultations de rhumatologie. Dans 44% des cas, les patients satisfont à six ans les critères ACR de la FM (14, 15).

FM chez l'homme

Nous avons vu qu'elle est beaucoup moins fréquente, elle est aussi moins symptomatique avec en particulier des douleurs plus modérées et moins de points douloureux à l'examen (16). Les troubles psychologiques sont par contre plus fréquents.

FM chez l'enfant

La prévalence de la FM chez l'enfant est estimée entre 1,2 et 6,2% (17). 28% des patients ont vu leur FM débuter dans l'enfance ou l'adolescence. Contrairement aux adultes, où nous le verrons la chronicité est de règle, l'évolution chez l'enfant est le plus souvent favorable, avec 73% de rémission à 30 mois (18). Certains auteurs ont décrit une association avec le syndrome d'hyperlaxité articulaire (19).

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

certaines pathologies peuvent donner des tableaux cliniques proches de la FM, voire être associées à une FM (Tableau IV).
Le diagnostic différentiel le plus difficile est probablement celui de la pelvispondylite rhumatismale (PSR) qui peut avoir une présentation trompeuse, particulièrement chez la femme, avec des tableaux de polyenthésopathies. L'existence de rachialgies inflammatoires et d'enthésopathies permet d'ailleurs de retenir le diagnostic de PSR d'après les critères de Groupe Européen des Spondylarthropathies (European Spondylartgropathy Study Group: ESSG).
Parmi les pathologies infectieuses, l'hépatite C est la plus susceptible de donner des tableaux proches de la FM, le plus souvent par le biais d'une cryoglobulinémie associée.
Dans le cadre du diagnostic différentiel avec les pathologies musculaires, rappelons que les myalgies non liées à l'effort sont rarement le signe de maladies musculaires
primitives.

Tableau IV: Diagnostic différentiel
* Maladie de système:
 lupus, polyarthrite rhumatoïde, Gouderot, Behcet
* Pelvispondylite rhumatismale
* Pseudopolyarthrite rhizomélique
* Hypothyroïdie
* Troubles phosphocalciques:
 hyperparathyroïdie, ostéomalacie, diabète phosphoré
* Maladie infectieuse:
 hépatites B et C, maladie de Lyme, SIDA
* Pathologie musculaire
* Hypokaliémie, anémie ferriprive
* Iatrogène:
 hypocholestérolémiants, cimétidine, quinolones

SYNDROMES VOISINS

Syndrome de fatigue chronique (SFC)

Il débute le plus souvent brutalement après un tableau pseudo-grippal, laissant une asthénie profonde. Le diagnostic est clinique (Tableau V). Le SFC présente de nombreuses similitudes avec la FM au point qu'il pourrait s'agir de deux formes de la même maladie. Un grand nombre de SFC évoluent vers une FM.

Tableau V: Syndrome de fatigue chronique
* Critères majeurs:
 - fatigue chronique, évoluant depuis au moins 6 mois, réduisant de 50% les activités
 - exclusion des autres causes d'asthénie
* Critères mineurs:
 - troubles de mémorisation ou de concentration
 - pharyngite
 - adénopathies non indurées cervicales ou axillaires
 - myalgies
 - polyarthralgies sans gonflement ni raideur
 - céphalées inhabituelles
 - sommeil non réparateur
 - malaise durant plus de 24 h après l'effort physique
Diagnostic positif: 2 critères majeurs et 4 critères mineurs.

Syndrome douloureux myofascial

Il s'agit d'une affection douloureuse loci-régionale chronique affectant un ou plusieurs groupes musculaires. Il est caractérisé par la mise en évidence de cordons indurés musculaires et de douleurs déclenchées à la palpation de points gâchettes. Là encore, ce syndrome est susceptible d'évoluer vers une authentique FM.

BILAN COMPLEMENTAIRE

Il repose sur la biologie qui doit rechercher une pathologie associée et éliminer d'autres étiologies de syndrome polyalgique.
De principe seront réalisés: une numérisation formule sanguine, VS, CRP, électrophorèse des protéines, calcémie, phosphorémie, kaliémie, transaminases, CPK, aldolases et TSH.
En fonction de la clinique, on pourra demander les sérologies hépatites B et C, les facteurs rhumatoïdes, les anticorps antinucléaires et éventuellement d'autres examens en fonction du contexte (sérotologie HIV, sérologie de Lyme, etc.).

PHYSIOPATHOLOGIE

Une affection multifactorielle

Facteurs génétiques

Plusieurs arguments vont dans le sens d'un facteur génétique. Ainsi, la prévalence familiale est d 26% (20), alors qu'elle est de 2% dans la population générale. On trouve 28% de FM chez les enfants de mère fibromyalgique (21) et 70% de FM chez les mères d'enfants fibromyalgiques (22).
Aucun gène de susceptibilité n'a encore été mis en évidence mais un lien avec le système HLA est supposé (23). Des auteurs ont aussi montré un polymorphisme du gène codant pour le récepteur à la sérotonine (24), neuromédiateur impliqué dans la physiopathologie de la FM.

Facteurs déclenchants

On trouve souvent un événement qui précède la survenue des symptômes:
- traumatismes physiques, essentiellement les traumatismes mineurs du rachis cervical dont un auteur a montré qu'ils sont suivis 13 fois plus souvent de FM que les fractures de jambe (25);
-  traumatismes psychiques: on retrouve assez souvent des antécédents de sévices dans l'enfance;
- situations prolongées de stress, avec un rôle important de l'environnement social, familial, conjugal;
- infections virales ou bactériennes, en particulier la maladie de Lyme.

Facteurs d'entretien

Ils sont importants dans la pérennisation du syndrome, qu'ils soient psychologiques, comportementaux ou socioprofessionnels, et devront être pris en compte dans la prise en charge thérapeutique.

Théorie périphérique

La FM n'est pas un syndrome primitivement musculaire (26). des auteurs (27) ont trouvé des perturbations de la glycolyse (augmentation de la pyruvicémie, diminution de la production de lactates), mais les différentes études histologiques, biochimiques ou spectroscopiques n'ont pas mis en évidence d'anomalies spécifiques. Il existe des modifications non spécifiques liées au désentraînement sur des muscles dits "déconditionnés". Ce désentraînement est une composante majeure du cercle vicieux, avec une sensibilité musculaire accrue aux microtraumatismes.

Théorie centrale

La FM s'inscrit dans un désordre psycho-neuro-endocrinien, impliquant des structures variées du système nerveux central et aboutissant à une baisse du seuil de la douleur (28).

Trouble de la modulation centrale de la douleur

Il existe deux grands types de douleurs: les douleurs par excès de nociception, de loin les plus fréquentes, induites sur un système nerveux normal par un excès d'influx nociceptifs à partir de lésions tissulaires, et les douleurs neurogènes consécutives à des lésions des voies nerveuses intervenant dans la régulation de la douleur. Dans cette deuxième catégorie, les sujets perçoivent comme douloureuses des stimulations qui sont en dessous du seuil de la douleur chez des sujets normaux (courant d'air, effleurement, froid): c'est l'allodynie. Ils présentent également un seuil de tolérance à la douleur qui est diminué: c'est l'hyperalgésie.
Alors que les douleurs neurogènes sont habituellement localisées dans un territoire précis, il existe dans la FM une diminution généralisée du seuil douloureux. Ce seuil est 2 à 3 fois plus bas que dans la population normale (29), une diminution qui concerne tout type de stimuli, mécaniques, thermiques, électriques.

Cette dysfonction du système nerveux central (SNC) peut avoir pour origine (28):
- une dysfonction endogène du système nociceptif, avec un déficit des contrôles inhibiteurs, des anomalies des neuro-modulateurs;
-  une sensibilisation des nocicepteurs périphériques.

Des lésions tissulaires ou une exposition répétée à des stimuli périphériques douloureux, par le biais d'un excès de neuropeptides des fibres C qui véhiculent le message douloureux, induisent une modification de l'activité du SNC dont on connaît les propriétés de neuroplasticité.
Au niveau de la moelle, ceci se traduit par une activation des récepteurs NMDA, qui ont un rôle important dans la modulation de la douleur au niveau médullaire. L'injection intraveineuse de kétamine, qui est un antagoniste des récepteurs NMDA, entraîne une réduction de 50% de l'intensité douloureuse dans la FM (30). A l'étage sus-jacent, des auteurs ont montré une réduction des flux sanguins au niveau du thalamus et du noyau caudé (31), structures impliquées dans la régulation du message douloureux.
Cette modification de l'activité du SNC est à l'origine d'un état d'allodynie ou d'hyperalgésie pouvant persister même après guérison de la lésion tissulaire initiale.
Ceci rendrait compte des FM associées à certains rhumatismes inflammatoires, des FM post-traumatiques et de l'augmentation de la prévalence avec l'âge, avec des stimuli douloureux répétés liés aux arthrosiques (3).

Troubles du sommeil

Il existe deux types  de sommeil: le sommeil à ondes lentes qui constitue 70 à 80% de la durée du sommeil, avec quatre stades de profondeur croissante de sommeil, les phases d'endormissement (stades 1 et 2, ondes alpha sur l'EEG) et le sommeil lent profond (stades 3 et 4, ondes delta sur l'EEG) et le sommeil à activité rapide ou sommeil paradoxal, d'installation soudaine, qui fait toujours suite à une phase de sommeil lent. Le sommeil lent profond (SLP) a un rôle important dans les processus de récupération physique et psychique et il existe des arguments pour son implication dans la FM:
- arguments cliniques: les troubles du sommeil sont pratiquement constants. Il s'agit d'un sommeil non réparateur, fragmenté par de nombreux réveils.
- arguments électriques: il existe sur l'EEG des perturbations du SLP avec intrusions d'ondes alpha rapides au milieu des ondes delta lentes, ce qui explique les nombreuses phases d'éveils;
- arguments expérimentaux: une privation en stade 4 de SLP chez des volontaires sains entraîne une symptomatologie comparable à la FM (32).
- Ces troubles du sommeil ne sont néanmoins pas caractéristiques de la FM et peuvent s'observer dans d'autres circonstances.

Perturbations du système neuro-endocrinien

Elles concernent deux axes:

Hormone de croissance
Dans 30% des FM, on a montré un déficit en hormone de croissance (33). Cette hormone est synthétisée pendant le sommeil lent profond, et sa diminution est en fait une conséquence des troubles du sommeil. Elle a un rôle dans l'homéostasie musculaire ce qui pourrait rendre compte en partie de certains symptômes tels que la fatigabilité musculaire, la faible tolérance à l'exercice. Dans cette sous-population déficitaire, des auteurs ont montré la bonne efficacité d'un traitement par hormone de croissance (34).

Axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien
Cet axe, impliqué dans la réponse au stress, est perturbé dans la FM avec une réduction des réponses de l'ACTH ou CRF (35) et une réduction d'environ 30% des réponses de l'ACTH et de l'épinéphrine à l'hypoglycémie (36). Les mêmes anomalies ont pu être reproduites chez les rats exposés à des stress chroniques (28). Ceci pourrait rendre compte des FM par expositions aux stress répétés et de certaines FM post-traumatiques.

Anomalies de neuromodulation

. Les taux de substance P sont élevés dans le LCR des patients par rapport au groupe témoin (37).
. La piste de la sérotonine est actuellement la plus étudiée. La sérotonine a une action antinociceptive, un rôle dans la régulation du sommeil à ondes lentes et dans la genèse de certains désordres psychiatriques. Dans la FM, il existe une baisse des taux sériques de sérotonine et de ses métabolites dans le LCR (38). Ce neuromédiateur pourrait ainsi faire le lien entre douleur, troubles du sommeil, troubles psychiatriques et d'autres symptômes associés dont on sait qu'ils ont aussi un mécanisme sérotoninergique (migraines, colon irritable, dysménorrhée, dysfonction temporo-mandibulaire). La FM s'intègrerait ainsi dans un groupe d'affections que l'on pourrait qualifier de troubles neurosomatiques. Des auteurs ont récemment montré un polymorphisme de la région codant pour le gène de transport de la sérotonine, certains génotypes étant plus fréquents dans la FM (24).

La FM: une affection psychiatrique?

Plusieurs arguments vont dans ce sens: on trouve ainsi des antécédents dépressifs chez 29/3 des patients, antécédents qui sont plus fréquents que la dépression "actuelle" puisque seuls 25% des patients remplissent les critères de dépression majeure. La prévalence des antécédents familiaux de dépression est aussi augmentée de 15 à 20% (39). Il existe une forte prévalence de l'anxiété, présente dans 50% des cas. Enfin, la symptomatologie de la FM et celle de la dépression se chevauchent (troubles du sommeil, fatigue).
On peut en fait supposer que FM et troubles psychiatriques relèvent plus d'une comorbidité.
Ainsi, les troubles psychiatriques dans la FM ne sont ni constants, ni stéréotypés (pas de profil psychologique manifeste) et sont associés de manière indépendante à la sévérité de la douleur (28).
Un auteur a fait une étude comparative entre FM chez les sujets déprimés et d'autres déprimés. Il n'a mis en évidence aucune différence dans les paramètres de la douleur. Les FM des sujets non déprimés avaient simplement moins de répercussion de leur affection sur leur vie quotidienne (40).
Tous les antidépresseurs ne sont pas efficaces dans la FM, et à des posologies 5 à 6 fois moindre, et avec un délai plus court que dans la dépression. D'autre part, il n'y a pas de corrélation entre l'évolution des symptômes psychiatriques et l'évolution de la douleur. Enfin, l'efficacité des antidépresseurs est identique que les patients soient déprimés ou non.

Et la prédominance féminine?

Très peu de travaux ont été réalisés pour tenter d'expliquer la très nette prédominance féminine dans l'affection.
Les hormones ovariennes ont probablement un rôle important. Il existe une recrudescence de la FM après la ménopause et certains tableaux peuvent être déclenchés par un changement de statut hormonal. Les hormones ovariennes interviennent par ailleurs dans la régulation de l'axe hypothalamo-hypophysaire.
D'autre part, les voies métaboliques de la sérotine ne sont pas identiques dans les deux sexes, avec une synthèse augmentée de 50% chez l'homme par rapport à la femme (40).

TRAITEMENT

Si les travaux sur la physiopathologie de la FM abondent, il n'en est pas de même pour l'approche thérapeutique avec peu d'études réalisées en double aveugle et peu de suivi à long terme.

Information

Il est nécessaire d'apporter au patient quelques explications simples, lui décrire la nature, certes chronique et parfois invalidante mais bénigne de cette affection, aborder les possibles liens avec des problèmes anxio-dépressifs sous-jacents, lui expliquer que certains symptômes associés peuvent s'intégrer dans ce tableau (et freiner ainsi la course aux consultations, aux examens, voire aux chirurgies répétées, comme on le voit pour des syndromes canalaires qui n'en sont pas). Il faut lui expliquer le rôle aggravant du désentraînement et l'importance de sa participation active au traitement.
Ce traitement comporte trois axes: les traitements médicamenteux, la rééducation, la prise en charge psychologique.

Traitements médicamenteux

Antalgiques périphériques

Le paracétamol seul ou associé à la codéine, au dextropropoxyphène ou à la caféine reste des traitements de choix dans la prise en charge des douleurs de la FM.

Tramadol

Sous réserve de sa bonne tolérance, il peut arriver une nette amélioration chez certains patients. Une étude montre une réduction de 40% de la douleur sous tramadol comparé au groupe placebo (41).

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

Ils ont classiquement peu d'intérêt et sont le plus souvent mal tolérés mais peuvent réaliser une aide ponctuelle dans certains cas.

Corticothérapie

Elle n'a aucune indication dans la FM (42).

Benzodiazépines

Elles devraient être évitées du fait du risque de dépendance, de l'action suppressive de ces traitements sur le sommeil lent profond avec possibilité d'aggravation de l'asthénie et de la fatigabilité musculaire. Ils peuvent à faibles doses et sur de courtes durées entraîner une amélioration.

Hypnotiques

Ils peuvent améliorer le sommeil et le tonus mais n'ont pas démontré d'efficacité sur la douleur.

Amitriptyline

Ce traitement qui a montré son efficacité dans plusieurs études contrôlées (43) est souvent proposé en première intention du fait de son effet antalgique central et de son rôle régulateur sur le sommeil. Les doses doivent être augmentées progressivement chez ces patients qui ont souvent une importante intolérance médicamenteuse, jusqu'à 10 gouttes le soir, une heure avant le coucher. En cas d'inefficacité, les doses seront augmentées progressivement jusqu'à 50 mg par jour. Le délai d'efficacité est d'une à deux semaines avec parfois un épuisement de l'effet après quelques mois.

Inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine

S'ils donnent de bons résultats sur la dépression, ils sont peu efficaces en monothérapie sur la douleur. L'association fluoxétine-amitriptyline peut être proposée en seconde intention en cas d'échec de l'amitriptyline eule (44).
Il existe plusieurs types de récepteurs à la sérotonine et l'efficacité des traitements sérotinergiques peut être dépendante de la densité, de l'affinité et de la distribution de ces récepteurs. Les perspectives sont des traitements sélectifs dirigés contre un seul type de récepteurs, inhibiteurs des récepteurs 5HT2 (kétansérine, ritansérine) et 5HT3 (tropisétron, ondansétron) avec des résultats préliminaires intéressants (45).

Infiltrations

Les infiltrations de corticoïdes ou d'anesthésiques locaux sont à privilégier en cas de syndrome myofascial associé.

Rééducation

Activité physique

Le maintien d'une activité physique est primordial dans cette affection. Celle-ci doit être fractionnée, avec un entraînement progressif et régulier, et doit éviter les efforts violents.
Elle doit comporter trois types d'exercices adaptés en fonction de la douleur et de la fatigue:
- exercices d'étirement, idéalment réalisés quotidiennement, associés à des exercices de respiration profonde;
- exercices de musculation douce;
- exercices d'entraînement à l'effort qui visent à améliorer les capacités d'endurance, en conseillant principalement la marche rapide, la natation ou la gymnastique en eau tiède et le vélo, 30 minutes 2 à 3 fois par semaine.

Techniques adjuvantes

Elles sont d'un assez bon appoint: balnéothérapie chaude, chaleur, massages doux, physiothérapie. Les massages transverses profonds sont contre-indiqués.
La neurostimulation a parfois de bons résultats dans les formes loco-régionales; avec une fréquence de 80-100Hz et une intensité modérée (46), de même que l'acupuncture.

Mesures ergonomiques

On proposera des conseils posturaux, une adaptation du poste de travail.

Approche psychologique

- Il faut rechercher les facteurs de déclenchement et d'entretien des symptômes;
- une prise en charge conjointe avec un psychiatre est souvent envisagée, sous forme le plus souvent d'une psychothérapie, et si nécessaire, un traitement médicamenteux pour une authentique dépression;
- les techniques mentales (relaxation, sophrologie) permettent de diminuer la tension physique accumulée en réaction au stress. Près de 50% des patients seraient améliorés par l'hypnose(46). Les patients doivent se préserver des périodes de repos et de relaxation dans la journée;
- les thérapies cognitives comportementales permettent de modifier de façon durable les comportements non souhaités qui représentent les principaux facteurs d'entretien.

EVOLUTION

La FM est une affection chronique, évoluant souvent sous forme de poussées sur un fond douloureux permanent. Une étude anglaise (47) montre que moins d'un patient sur dix est asymptomatique après 4 ans d'évolution. Dans une étude américaine (48), 100% des patients gardent des symptômes à dix ans, mais avec 2/3 des patients améliorés. Une autre réalisée chez 538 patients trouve une forte corrélation (r=0,82) entre l'évaluation à l'entrée et après sept ans d'évolution (49). D'autres études sont plus optimistes, notamment une étude australienne qui note 1/4 des patients en rémission complète à deux ans (50).

CONCLUSION

La réalité de la FM est aujourd'hui bien établie. En l'absence d'étiologie et de pathologie précises, le traitement doit faire appel à une prise en charge pluridisciplinaire. Un succès thérapeutique durable ne peut être obtenu que moyennant la participation active du patient. Cette prise en charge, à défaut le plus souvent d'une guérison, peut permettre d'obtenir des améliorations conséquentes.
La compréhension des mécanismes de la douleur et de la physiopathologie de l'affection laisse espérer une meilleure efficacité thérapeutique.

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Extrait de Synoviale, octobre 2000, n°94
 
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Dr Boisset:
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L'importance de la revalidation pour un fibromyalgique

Dans un premier temps, le Docteur Boisset nous a rappelé ce qu'est la fibromyalgie en nous décrivant les critères de l'ACR, les autres symptômes pouvant s'y associer, ainsi que les traitements actuels (antidépresseurs pour le sommeil, parfois des infiltrations, des massages réconfortants, de la physiothérapie, de la relaxation et des techniques comportementales). Il est important d'avoir exclu tout autre cause. On retrouve ces mêmes symptômes dans la fatigue chronique. L'incapacité peut être progressive et va parfois jusqu'à la perte d'emploi. On peut remarquer que la fibromyalgie atteint des gens assez actifs, exigeants vis-à-vis d'eux-mêmes, ce qui entraîne une perturbation de l'image de soi.
Ensuite, elle nous a parlé de la condition physique. Les facteurs pouvant l'influencer sont l'hérédité et le niveau d'activité physique. Ses différentes facettes sont la mobilité et la souplesse, l'endurance cardio-vasculaire, la force musculaire et la coordination. La méthode utilisée pour évaluer la condition physique est un test sur une bicyclette ergonomique; le patient pédale pendant deux minutes avec une résistance de 25 watts, puis deux minutes à 50 watts, ensuite à 75 watts et parfois deux minutes à 100 watts. On mesure sa fréquence cardiaque: l'intensité de l'effort est mesurée sur l'échelle de Borg, tandis que la douleur est mesurée sur l'échelle visuelle analogique. Il semble que le patient fibromyalgique (surtout de sexe féminin) surévalue l'intensité de l'effort, un peu comme s'il y avait confusion entre la douleur et l'effort.

Pour suivre, le Docteur Boisset nous a expliqué pourquoi il est si important de suivre un programme de réadaptation physique.
C'est déjà vrai pour un sujet normal: pour lui, le bénéfice peut être une perte de poids, une baisse du taux de cholestérol, une meilleur endurance cardio-vasculaire: cela peut lui permettre d'augmenter sa souplesse et sa force musculaire; cela peut aussi renforcer les structures anatomiques comme la minéralisation osseuse. En résumé, la condition physique du sujet normal amélioré.
En plus, chez le douloureux chronique, la réadaptation physique a une action contre la dépression, car il entraîne une valorisation de soi.
Et pour nous alors, fibromyalgiques? Il se pourrait que le programme de réadaptation physique nous permette de normaliser la perception de l'effort: par ailleurs, en plus de tous les autres avantages décrits ci-dessus pour le sujet normal, il peut nous aider à gérer les activités quotidiennes en les fractionnant par exemple.

Enfin, le Docteur Boisset nous a dit quels types d'exercices et quel programme il nous est conseillé de faire.
Il faut toujours commencer par des exercices respiratoires pour provoquer une relaxation et une oxygénation.
Ensuite viennent des exercices d'endurance, d'abord en individuel pour bien contrôler le niveau d'intensité optimal (marche, vélo, aquagym, natation, jogging), puis, éventuellement, en groupe. L'aquagym a un côté ludique et l'eau a un effet massant. Il est conseillé de travailler à 65% de sa fréquence cardiaque maximale.
On termine avec des exercices d'étirement et de tonification. Ils doivent être doux et progressifs, adaptés à chaque cas.
L'intensité et la fréquence de ces séances d'exercices doivent tenir compte de la personne. Il se peut qu'au début il faille faire 3, 4 voire 5 séances par jour de quelques minutes. Ensuite, on pourra augmenter la durée d'une séance et diminuer la fréquence. Il faut bien se connaître et tenir compte des douleurs que l'on a après, et donc chaque fois réajuster. Nos mots d'ordre doivent être progressivité et fractionnement!

En conclusion, la réadaptation est une des facettes de la "gestion" de la fibromyalgie. Elle permet d'améliorer sa condition physique et sa réserve fonctionnelle, ainsi que sa perception de l'intensité de l'effort. Elle aide à gérer les activités quotidiennes. Elle permet de réapprivoiser son corps et donc de mieux maîtriser les douleurs, tout en améliorant l'image que l'on a de soi.
 

D'après mes notes et les transparents du Docteur Boisset que je remercie chaleureusement.
Lydia Vanhamme.

Extrait de la conférence du Docteur Boisset
Belgique, 20 avril 1999


 
 
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Dr Heili:
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Docteur Jean Luc HEILI
Spécialiste en Médecine Physique et Réadaptation
Médecin coordinateur
 

  Les principes de la prise en charge thérapeutique de la fibromyalgie ne peuvent s'élaborer sans l' indispensable confiance réciproque entre l' équipe soignante et le patient. Elle sous-entend que la première croit sans équivoque en la douleur du second et en réciprocité que ce dernier s'implique activement dans son traitement. Il devra accepter des objectifs limités (guérison aléatoire, efficacité relative des traitements, difficultés et lourdeur de l' investissement personnel).

  La notion de complémentarité est essentielle car elle repose sur le concept de pluridisciplinarité médical (plusieurs spécialistes collaborant avec le généraliste) et paramédicale (équipe interprofessionnelle soudée comprenant infirmier(e), kinésithérapeute, psychologue, secrétaire). Chaque intervenant a un rôle propre au sein de l' équipe du traitement de la douleur. La prise en charge doit également intégrer l' entourage et faciliter les relations avec les structures socioprofessionnelles.

  Les buts sont de redonner confiance au sujet, de lui faire découvrir des ressources personnelles de lutte contre la douleur afin de la gérer, de le reconditionner physiquement (toute activité physique étant fortement réduite) et de tenter de le réinsérer dans la vie socioprofessionnelle.

  Les moyens sont de trois ordres:
  -les médicaments analgésiques (anti-douleur) comportent les dérivés de la morphine (dont il convient de démystifier la mauvaise réputation) et certains antidépresseurs, qui outre leur action sur le moral et l' anxiété, ont une efficacité reconnue sur la douleur et les troubles du sommeil.

  -les thérapies mentales, dont le but est d' augmenter les capacité de maîtrise de la douleur et de l' anxiété. On retiendra essentiellement la relaxation, la sophrologie, l' hypnose (techniques de décontraction musculaire généralisée ou localisée) et les thérapies cognitivo-comportementales ( apprentissage de stratégies d' adaptation par la modification du comportement).

  -les traitements physiques passives (massage doux et non douloureux, physiothérapie chaude, balnéothérapie) apportent un réel bénéfice antalgique. Les traitement actifs à type de réentraînement physique reconditionnent le patient à l' effort par des exercices respiratoires, musculaires des membres supérieurs et inférieurs et du dos, des étirement musculaires progressifs; ils se font par paliers  de progression très faibles.

  Le traitement de la fibromyalgie est plurimodal en ce sens qu' aucun traitement n' est suffisant à lui seul et c' est l' ensemble des techniques adapté à chaque individu, qui permet à ce dernier de mieux contrôler sa douleur.  


Docteur Jean Luc HEILI
 
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 Pr Lévy

Fragmentation du sommeil. Implications possibles dans le cadre de la fibromyalgie

Professeur Patrick Lévy, laboratoire du sommeil, EFCR, CHU Grenoble

La fragmentation du sommeil est une anomalie fréquente au cours de différentes pathologies du sommeil. Elle existe notamment au cours de pathologies aussi différentes que le syndrome d’apnées du sommeil, les mouvements périodiques au cours du sommeil et l’insomnie chronique. Les conséquences cliniques bien que variables sont essentiellement somnolence diurne excessive et fatigue chronique, surtout matinale. En effet, la répétition de micro-éveils non perçus par le patient (inférieurs à 20 secondes) ne permet pas d’approfondissement du sommeil (réduction des stades III et IV) et maintient un sommeil superficiel et non réparateur. Bien que les corrélations entre le nombre de micro-éveils et les symptômes (somnolence en particulier) soient médiocres, c’est l’élément le plus proche de la physiopathologie de ces éléments cliniques.

Y a t’il une contribution à la symptomatologie clinique de la fibromyalgie ? Les données existantes dans ce domaine sont en faveur. L’efficacité du sommeil, c’est à dire le temps total de sommeil rapporté au temps passé au lit, est réduite. Le nombre d’éveils est augmenté dans des proportions variables. La quantité de sommeil lent est réduite et il existe une intrusion de phénomènes d’éveil appelés “sommeil alpha delta ” qui sont identifiables visuellement sur le tracé d’électroencéphalographie. Ces données ont été confirmées par des analyses plus précises de type fréquentiel qui montrent une augmentation de l’activité haute fréquence de type éveil et une réduction de l’activité basse fréquence sur l’EEG. Le nombre global de micro-éveils est également augmenté, reflétant la fragmentation du sommeil. Il faut insister sur le caractère non-spécifique de ces anomalies. Elles peuvent également être le témoin d’une atteinte primaire du sommeil tel que syndrome d’apnées du sommeil ou mouvements périodiques au cours du sommeil. Par ailleurs, il existe plusieurs causes possibles de fragmentation du sommeil au cours de la fibromyalgie : douleurs musculaires ou d’autre origine, insomnie associée, etc… Dans tous les cas, une telle fragmentation est susceptible de contribuer de façon significative à la symptomatologie de fatigue chronique.

Dans ces conditions, il est logique de proposer un enregistrement polysomnographique à la recherche de ces anomalies et d’une éventuelle anomalie du sommeil associée. L’évaluation thérapeutique permettra de dire si la réduction de la fragmentation du sommeil lorsqu’elle est possible modifie significativement les symptômes cliniques. Enfin, toute évaluation thérapeutique dans cette affection devrait reposer non seulement sur une évaluation subjective mais également objective de la quantité et de la qualité du sommeil.

Existe-t-il des mécanismes physiopathologiques communs ? La physiopathologie de la fibromyalgie reste largement méconnue. Cependant, la sérotonine est à la fois impliquée dans le contrôle de la douleur et de l’éveil et pourrait être importante dans ce cadre. Les essais thérapeutiques sont en partie basés sur ce rationnel.

En conclusion, le sommeil semble jouer un rôle évidemment variable dans cette affection. Une utilisation raisonnable des enregistrements du sommeil en clinique comme en recherche clinique est donc souhaitable.

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Les troubles digestifs dans la fibromyalgie - Professeur Bruno BONAZ

Gastroentérologue et neuro-physiologiste au département Hépato-Gastroentérologie du CHU de Grenoble, le Professeur Bonaz conduit des recherches sur les effets du stress sur le cerveau et ses incidences sur le tube digestif.

 Rappel sur les spécificités de la fibromyalgie :

Syndrome caractérisé par des douleurs diffuses, chroniques et non expliquées, associées très fréquemment à des troubles du sommeil, à une fatigue et une fatigabilité musculaire, et à d’autres manifestations fonctionnelles diverses. L’examen général est normal en dehors des points douloureux à la palpation. Sur le plan épidémiologique : la fibromyalgie touche plus de 2 % de la population générale, avec une prévalence pour les femmes (3,4 %) par rapport aux hommes (0,5 %). Elle représente 2 à 5 % des consultations de médecine générale et10 à 25 % des consultations de rhumatologie (au 2ème rang après l’arthrose). On a pu noter une certaine prévalence familiale, mais sans mettre en évidence un gêne de susceptibilité ; en l’état actuel des connaissances, la fibromyalgie n’est pas considérée comme une maladie génétique.

 Les causes de la fibromyalgie : elles sont encore inconnues aujourd’hui ; il existe des facteurs déclenchants : traumatisme physique, psychique, situation prolongée de stress.

On retrouve des signes associés presque constants :

-         raideur matinale assez prolongée

-         troubles du sommeil (non réparateur)

-         fatigue générale, surtout matinale

-         fatigabilité musculaire pour le moindre effort, le maintien d’une attitude, le stress

La fibromyalgie est invalidante : le patient la ressent comme une affection plus sérieuse que d’autres maladies chroniques. Le retentissement émotionnel et psychologique est également plus marqué.

Si l’on compare la fibromyalgie à la polyarthrite rhumatoïde, on constate :

-         un niveau de douleur équivalent

-         mais une dégradation de la qualité de vie plus importante dans la fibromyalgie

 La recherche aujourd’hui s’oriente vers une origine centrale de la fibromyalgie :

1 – mise en évidence d’une diminution générale du seuil douloureux : 2 à 3 fois plus bas que la population générale

2 – à tout type de stimuli : mécanique, thermique, électrique : il existe un trouble de la modulation centrale de la douleur.

Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer l’origine de cette dysfonction :

-         le défaut se situe à la périphérie, au niveau des tendons, des muscles, des articulations

-         ça se passe au niveau de la moelle épinière qui reçoit la douleur

-         c’est peut être le cerveau qui ne marche pas bien

-         c’est peut être les voies descendantes qui viennent du cerveau et qui vont moduler tout ce qui arrive à la moelle.

On perçoit ce qu’on ne devrait pas sentir.  On sait que l’inflammation chronique peut favoriser la douleur dans la fibromyalgie. Elle va sensibiliser les afférences qui viennent du tube digestif, des tendons, des articulations, des muscles ; il va y avoir modification de la morphologie des cellules nerveuses qui vont alors éprouver la moelle épinière et augmenter les impulsions nerveuses. La moelle ne va plus jouer son rôle de filtre de la douleur.

 Les troubles fonctionnels digestifs :

Ce sont des troubles sans anomalies structurales : il n’y a pas d’inflammation, pas de cancer. Ils représentent 30 à 50 % des consultations de spécialité, et représentent un coût de santé publique important.

Le trouble fonctionnel le plus fréquent est le syndrome de l’intestin irritable (SII), autrefois appelé colopathie, avec une prévalence de 22 %, et une prédominance féminine (2/3).

Ce syndrome se caractérise par des douleurs abdominales qui en sont le principal symptôme.

 Comme pour la fibromyalgie, des critères objectifs ont été établis pour qualifier un syndrome de l’intestin irritable :

1 – des douleurs abdominales ou un inconfort abdominal pendant au moins 12 semaines au cours des 12 derniers mois.

2 – associées à au moins 2 des 3 facteurs suivants : soulagement des douleurs par la selle, modification de la fréquence des selles, modification de la consistance des selles.

3 – en l’absence de toute anomalie structurale ou métabolique.

 Dans le syndrome de l’intestin irritable, on a mis en évidence une hyper sensibilité viscérale à tous les niveaux du tube digestif.

On s’interroge sur la nature de l’anomalie primitive :

¿ Mise en cause de la sensibilité des afférences primaires, celles qui conduisent l’information ? On retrouve le rôle de l’inflammation/infection qui va sensibiliser les afférences

¿ Mise en cause du rôle de modulateur du système nerveux central ?

-         anomalies dans le filtrage des stimuli douloureux par la moelle épinière

-         sécrétion anormale de CRF (facteur neuromédiateur du stress) par le noyau hypothalamus dans le cerveau, dépression, anxiété, abus sexuels

¿ Mise en cause du rôle des voies excitatrices ou inhibitrices de la douleur ? En principe tout ce qui arrive au niveau de la moelle est filtré par elle ; ces voies descendent du cerveau vers la moelle pour moduler son action : bloquer un message douloureux ou le laisser passer.

On a démontré le rôle aggravant du stress suite à des évènements douloureux, qui provoque soit l’apparition, soit l’exacerbation des symptômes. Il existe une corrélation chronologique entre le stress et l’apparition des symptômes.

 Quelle relation entre fibromyalgie et syndrome de l’intestin irritable ?

On retrouve très fréquemment des troubles digestifs dans la fibromyalgie. Les patients avec fibromyalgie présentent un tableau d’intestin irritable dans 48 % des cas en moyenne, et 33 % des patients atteints du syndrome de l’intestin irritable ont aussi une fibromyalgie.

Dans une étude regroupant des personnes atteintes de fibromyalgie, des personnes atteintes d’arthrose, et une population témoin, 64 % des patients avec fibromyalgie rapportent un effet du stress sur leur tube digestif, contre 39 % des arthrosiques et 48 % des témoins. Dans cette même étude, 60 % des patients avec fibromyalgie présentaient des anomalies digestives similaires à celles observées dans le SII, contre 13 % dans le groupe arthrosique et aucun dans le groupe témoin.

Résultats d’une étude menée en 2000 sur 75 patients avec syndrome de l’intestin irritable : 50 patients avec un syndrome de l’intestin irritable isolé, 25 patients avec un syndrome de l’intestin irritable et une fibromyalgie : on a constaté que l’index de sévérité des troubles fonctionnels intestinaux était plus élevé chez les patients syndrome de l’intestin irritable + fibromyalgie.

 Il existe une association significative entre la présence d’une fibromyalgie et la sévérité des troubles : la coexistence d’une fibromyalgie modifie profondément la perception douloureuse chez les patients atteints du syndrome de l’intestin irritable.

On constate une co-morbidité entre ces deux affections, avec beaucoup de points communs. Les deux sous-groupes de patients ont des modifications significatives de leur perception douloureuse, avec une hyper vigilance aux stimulations douloureuses.

Ces altérations sont-elles la cause ou la conséquence ? Il semblerait qu’elles ne sont qu’un marqueur d’une anomalie de la régulation de la douleur. On n’a pas aujourd’hui d’explication sur la cause de ces anomalies, seulement des hypothèses.

Il existe des  points communs entre fibromyalgie et syndrome de l’intestin irritable :

-         ils sont plus fréquents chez la femme

-         ils sont déclenchés ou exacerbés par le stress

-         ils sont associés à une fatigue chronique, des troubles du sommeil, de l’anxiété, de la dépression.

 Quelle est l’influence du CRF (neuromédiateur du stress) dans la fibromyalgie ?

Une étude récente le place au centre de la fibromyalgie. A la suite d’un stress, il y a hyper sécrétion de ce CRF dans le noyau hypothalamus du cerveau, ce qui va entraîner des dérèglements multi-hormonaux

 Le protocole d’étude mis en place en gastroentérologie au CHU de Grenoble :

C’est dans ce contexte que le CHU de Grenoble a réalisé une étude IRMf (Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle) chez des patients fibromyalgiques avec un syndrome de l’intestin irritable, pour caractériser leur activation neuronale cérébrale au cours d’une distension rectale par ballonnet, et rechercher des anomalies d’activations cérébrales fonctionnelles. Cette étude conduite sur 11 patientes a mis en évidence des anomalies d’activation neuronale, qui peuvent être un marqueur d’un mauvais traitement du message douloureux. La finalité bien entendu est de mieux comprendre les mécanismes du traitement de la douleur chez les patients avec fibromyalgie et pouvoir proposer à terme des applications thérapeutiques.

 Il ne faut bien sûr surtout pas en conclure que c’est psychologique, que ça se passe dans la tête. Le cerveau est effectivement en cause, mais il faut dire qu’on est en présence d’un trouble de la sensibilité, de l’intégration de la douleur.

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